11 mai 1917 Une vague de grève commence dans les industries d'armement et dure jusqu'en juin.
L'échec de l'offensive du Chemin des Dames - Le doute des combattants - La crise politique
15 mai Le Gouvernement relève le général Nivelle de son commandement après l'échec de l'offensive du 16 avril au 9 mai causant la perte de 187 000 Français et de 167 000 Allemands. Pétain le remplace à la tête des armées du nord et du nord-est.
Le général Foch est nommé chef d'état-major général au ministère de la guerre.
Le mercredi 30 mai 1917, dans la soirée, une grande animation règne à Taverny. Un ordre vient d’arriver : le détachement du 285ème territorial part précipitamment. Nous apprenons que les grèves prennent de l’extension aussi bien à Paris qu’en banlieue. On m’affirme que les soldats cantonnés ici partent pour Argenteuil (j’apprends le surlendemain que le 285ème est à Bezons et non à Argenteuil). La majorité du public de Taverny qui approuvait les grèves féminines blâme ces nouvelles grèves masculines. Le plus écœurant est d’apprendre que parmi les arrestations des meneurs on trouve un grand nombre d’étrangers. Comment admettre la présence de 30.000 francs dans les poches de deux sujets grecs arrêtés dans le 19ème arrondissement, à la tête des grévistes français ? Le plus grave certainement (les oreilles ennemies nous écoutent) sont les cris qui ont été entendus dans la capitale, tels que : « Rendez- nous nos maris, à bas la guerre etc.… (8)
Le samedi 2 juin 1917 à 11h15, nous entendons de Taverny deux fortes explosions ; nous apprenons par la suite que l’usine de pyrotechnie du Pecq vient de sauter pour la troisième fois. Le lundi matin 4 juin, nouvelle explosion à Aubervilliers qui détruit deux usines. Le 13 juin, une partie des usines Renault à Billancourt s’effondre causant la mort de plus de 30 personnes. (8)
Il y a quelques jours, dans une conversation en chemin de fer, on disait que nos deux boulangers de Groslay étaient sur le point de fermer, non pas faute de combustible, car leur fournisseur avait promis de ne pas les laisser manquer, mais faute de farine, ne pouvant plus en obtenir, ni dans le commerce ni à l’intendance. Le Maire était sur le point de rendre son écharpe n’obtenant aucune satisfaction de la Préfecture. Enfin une dépêche officielle autorisait de voir quelques moulins des environs, et après une visite, on trouva quelques voitures de farine qu’il fallut aller chercher par réquisition de transport, ce qui sauva la situation. (La Tribune du samedi 9 juin 1917)
Joseph Dauphin : le héros fusillé le 12 juin 1917 pour une beuverie
Joseph Dauphin, né à Tauves dans le Puy-de-Dôme, le 10 février 1882, dans une famille de 10 enfants. Il fut l'un des 600 soldats fusillés pour l'exemple par l'armée française durant la Première Guerre mondiale.
Marié, père d'un enfant, le paysan Dauphin se trouvait incorporé dès le mois d'août 1914 au 70 ème bataillon de chasseurs à pied. Vaillant soldat, il reçut, en 1915, la Croix de guerre avec palmes pour plusieurs actes héroïques, entre autres avoir ramené sur ses épaules un lieutenant gravement blessé près des barbelés de la tranchée ennemie ou bien encore avoir tenu une position jusqu'à épuisement de ses cartouches. Promu caporal, il reçut par trois fois une citation pour sa conduite exemplaire au combat.
Au printemps 1917, l'état major avec Nivelle est au summum de son incompétence. Depuis deux ans les armées piétinent, Nivelle décide d'engager massivement les troupes dans ce que l'état Major appelle la "Bataille de France". Les allemands connaissent le projet et renforcent les défenses en abandonnant une partie du front. Nivelle n'en tient pas compte. La préparation de l'artillerie française du 10 au 16 avril est sans effet sur les abris en béton et les cavernes du plateau de Craonne. Nivelle n'en tient pas compte. L'attaque est déclenchée le 16 avril, quelques jours plus tard et 150 000 morts, disparus et blessés, la Bataille de France est devenue, afin de minimiser cet échec, la bataille de l'Aisne puis la bataille du Chemin des Dames. La presse n'évoque pas le massacre et minimise l'événement. Le fusible Nivelle saute en mai 1917. Celui ci est envoyé en Algérie dans un obscur commandement. Pétain prend sa revanche et le remplace. La stratégie change peu mais Pétain doit faire face à une vague importante de mutinerie. Bien souvent les soldats refusent simplement de repartir à l'assaut et remettent en cause les tactiques voir les stratégies militaires. Très peu contestent le bien fondé de la guerre.
C'est dans ce contexte que se situe l'affaire du caporal Dauphin. En juin 1917 les permissions de son régiment sont annulées. Joseph Dauphin et plusieurs soldats qui l'accompagnaient ramassèrent alors une cuite mémorable. Sous l'effet de l'alcool (dont l'armée n'était pas avare, à fortiori pour envoyer sa chair à canon à l'assaut) et sans trop savoir ce qu'ils faisaient, ils auraient tiré quelques coups de fusil et lancé à la cantonade des propos séditieux. Un fois dégrisé et conscient d'avoir fauté, Dauphin s'attendait à récolter quelques jours de prison, mais à sa grande surprise et sans vraiment comprendre, ses supérieurs l'envoyèrent devant le Conseil de guerre. Ils avaient besoin d'un exemple.
Seul gradé parmi les hommes interpellés et pour avoir chanté un peu fort J'ai deux grands bœufs dans mon étable (version contredite par l'accusation), le caporal Dauphin, considéré comme meneur dans la vague des mutineries de 1917, fut condamné à mort et fusillé le 12 juin 1917 à la ferme de Fété, près de Ventelay dans l'Aisne. François Brugière, son camarade de Tauves, vraisemblablement impliqué dans la même séance de beuverie et désigné pour faire partie du peloton d'exécution, refusa de tourner son fusil contre Joseph. Condamné à 10 ans de travaux forcés, il fut envoyé au bagne de Chief (ex-Orléanville) où il mourut d'épuisement le 12 février 1918. Joseph Dauphin, quant à lui, repose dans la nécropole de la Maison Bleue à Cormicy dans la Marne : tombe n° 884.
Malgré de nombreuses campagnes de presse, il n'a jamais été réhabilité (toute requête de demande en révision étant jugée irrecevable par la justice après 1928).
Depuis quelques jours nos habitants sont surpris de voir plusieurs marchands leur acheter des bouteilles à des prix assez élevés. Nous sommes prévenus aussi qu’un officier se tiendra à la mairie de Saint-Leu-la-Forêt pour acheter les vieux cuivres. (8)
17 juin 1917 : on se plaint du manque de charbon de l’hiver 1916, et l’on veut dès maintenant préparer l’hiver 1917. (4)
Ce n’est pas d’aujourd’hui que le moral des soldats et des civils est attaqué par la longueur de cette terrible guerre. Depuis des mois et des mois, nous entendons journellement des plaintes et des récriminations. Mais au mois de juin 1917, la situation s’est singulièrement empirée. Les permissionnaires du front déclarent qu’ils en ont assez de se faire « bourrer le crâne », de « monter à la butte » et de se faire « zigouiller » pendant que les officiers restent « planqués dans leurs cagnas ». Ces poilus vous citent avec plaisir des régiments qui ne « veulent plus rien savoir » et qui ont refusé de marcher. Les civils, eux aussi, tiennent des propos de lassitude. D’où vient ce grave mouvement pacifiste ? Après 34 mois de souffrance physique et morale, le terrain est bien préparé ; les anarchistes en profitent pour exciter le peuple avec des paroles et des écrits. Il est curieux de remarquer la propagande auprès des poilus, autour des gares du Nord et de l’Est. De quoi se sert-on : de la dernière offensive, des grèves, de la vie chère, de la révolution russe, des pertes de l’armée française, de l’impossibilité de réduire à merci nos puissants ennemis. En un mot, l’anarchie gagne beaucoup de cerveaux et des actes d’indiscipline existent un peu partout. Nos gouvernants ont vu le danger ; des mesures puissantes ont été prises pour enrayer ce grave mouvement. (8)
La deuxième quinzaine de juin nous apporte « la vague de chaleur ». Le 18 juin 1917, le thermomètre marque à l’ombre 32.2 degrés. Beaucoup de personnes prétendent que dans notre région on n’a jamais supporté une température aussi anormale. De temps en temps, nous voyons passer des dragons au repos dans notre région. (8)
« Journée d’Afrique » la vente d’insignes et de billets au profit des troupes noires a produit 107F. (4)
A Taverny, les habitants sont avertis : que ceux qui possèdent plus de 1000kg de charbon doivent le déclarer en mairie, que les séances de vaccination s’opèrent gratuitement à la mairie, qu’un engagement par écrit de faire des confitures doit être remis à la mairie de façon que les bons de sucre roux soient distribués. Quant au pain actuel, tout le monde s’en plaint. Depuis quelques temps, un grand nombre de personnes ont des maux de ventre et d’estomac. Le pain mélangé de nos jours est indigeste et peu nourrissant. Et on nous laisse entendre que celui de juillet sera encore plus mélangé, car il faut faire absolument la soudure avec la nouvelle récolte. (8)
Le dimanche 22 juillet 1917, une grande fête patriotique a lieu à l’hôpital de Saint-Leu-la-Forêt. Théâtre et concert sont organisés par les dames de France. Les infirmières, les blessés et les enfants des écoles publiques de Bessancourt, Saint-Leu-la Forêt et Taverny. (8)
Dimanche 22 juillet 1917 « Grand concert patriotique » organisé par le comité de SAINT-LEU-TAVERNY-BESSANCOURT de l'Union des Femmes de France à l'Hôpital 104 au programme « les Cloches de Corneille », « la Colombe » de Gounod puis « le Chant du Départ »
Parmi les graves affaires, il faut noter pendant cette seconde quinzaine de juillet 1917, « l’empoisonnement du Pré Saint-Gervais ». Plus de 200 personnes dont un grand nombre d’enfants tombent malades, plusieurs enfants meurent empoisonnés. On ignore jusqu’ici quelles sont les causes vde ce malheur. Beaucoup de personnes accusent le mauvais pain. Il est vrai que le pain devient de plus en plus indigeste. Le « pain de soudure »comme on l’appelle est plus que gris, en plus il est sûr et renferme toutes sortes de farines peu nettoyées car le blutage actuel est de 85%. La presse mène une campagne contre ce pain qui occasionne des maladies, ce pain qui devait économiser la farine et que le public ne pouvant digérer jette avec dégoût la mie. Cependant, par quoi le remplacer, voilà que maintenant les pâtes alimentaires vont être réglementées aussi. (8)
Le vendredi 27 juillet 1917, dans la nuit, un grand nombre de Tabernatiens se lèvent pour admirer nos avions qui font la chasse aux boches. La plupart des phares fonctionnent pendant qu’au loin on entend des explosions… ? Le samedi 28 juillet 1917, nouvelle alerte. Heureusement qu’on nous affirme que les dégâts sont insignifiants et que l’on compte aucune victime.
Au moment de la marche rapide des Allemands vers Paris, le pont de Valmondois-Mériel fut détruit. La ligne Paris-Beaumont était donc coupée. Le pont fut reconstruit quelques mois après, mais chose incompréhensible aucun train ne traversera ce pont ; les trains venant de Paris s’arrêtaient à Mériel. Enfin, le 1er août 1917 ! La circulation est rétablie par chemin de fer entre Paris et Beaumont. Et encore 3 ou 4 trains seulement feront la liaison entre ces deux villes. (8)
15 août 1917 Le pape Benoît XV rend publique une note sur la paix préconisant le retour à l'indépendance de la Belgique et un « compromis raisonnable » au sujet de l'Alsace-Lorraine. « Le monde civilisé devra-t-il donc n'être plus qu'un champ de morts ? Et l'Europe, si glorieuse et si florissante, va-t-elle donc, comme entraînée par une folie universelle, courir à l'abîme et prêter la main à son propre suicide ? »
Mais la note de paix du pape est rejetée presque unanimement en cette année terrible.
20 août 1917 Début de la seconde bataille de Verdun.