Vendredi 31 juillet 1914, 21 h 40 : l’assassinat de Jaurès
En fin de journée, il se rend au siège de son journal pour préparer un article de mobilisation anti guerre pour l’édition du 1er août. Auparavant, il sort dîner au café du Croissant, rue Montmartre, avec ses collaborateurs du journal dont Pierre Renaudel, Jean Longuet, Landrieu, Ernest Poisson. Il est assis dos à la fenêtre ouverte, séparé de la rue par un simple rideau. Observant depuis la rue la salle du café où il avait repéré que Jaurès dînait habituellement, caché par le rideau, l’assassin tire. Jaurès est tué sur le coup.
L’assassin est Raoul Villain, un Rémois de 29 ans, étudiant en archéologie à l’École du Louvre, et surtout adhérent de la Ligue des jeunes amis de l’Alsace-Lorraine, groupement d’étudiants nationalistes, partisans de la guerre et proche de l’Action française. Il est arrêté et déclare avoir agi en solitaire pour « supprimer un ennemi de son pays ». Cette thèse de l’acte isolé est reprise telle quelle dans l’acte d’accusation dressé le 22 octobre 1915. Il est décrit comme un personnage falot, calme et pieux, blond, les yeux bleus, d’apparence juvénile. Sans avoir jamais vu Jaurès, il s’est peu à peu mis en tête de tuer le traître, l’Allemand. Sans doute convaincu de la nécessité de son geste depuis le mois de décembre précédent, il mûrit son acte tout au long du mois de juillet, achète un revolver Smith & Wesson, s’exerce au tir, écrit quelques lettres incohérentes, repérant le domicile du leader socialiste, son journal, le café où il avait ses habitudes.
Depuis de longs mois, voire des années, la presse nationaliste et les représentants des Ligues « patriotes » (comme Léon Daudet ou Charles Maurras) s’étaient déchaînés contre les déclarations pacifistes de Jaurès, son internationalisme, et le désignaient comme l’homme à abattre, en raison de son engagement passé en faveur d’Alfred Dreyfus. Les déclarations de ce type abondent dans les semaines précédentes.
« Dites-moi, à la veille d’une guerre, le général qui commanderait […] de coller au mur le citoyen Jaurès et de lui mettre à bout portant le plomb qui lui manque dans la cervelle, pensez-vous que ce général n’aurait pas fait son plus élémentaire devoir ? »
Maurice de Waleffre dans L’Écho de Paris du 17 juillet 1914.
(Raoul Villain sera incarcéré en attente de son procès durant toute la Première Guerre mondiale.)
Samedi 1er août Mobilisation générale en Allemagne.
Le 1er août 1914, tout le monde s’attend à l’ordre de mobilisation. A quatre heures l’appariteur David annonce dans tout le pays la mobilisation générale à partir du dimanche 2 août 1914. (8)
Le 1er août 1914, à cinq heures du soir, la mobilisation est annoncée par le tocsin. Les gens, tous dans les champs, abandonnent le travail et reviennent s’assembler devant la mairie. A l’animation des jours précédents succèdent un calme émouvant. Les enfants eux-mêmes sentent qu’une grande chose s’est accomplie. Ils se serrent près du père qui a déjà annoncé le jour de son départ. Le 2 août, ces hommes, atterrés la veille, rient. Ils s’en vont pour deux mois, disent-ils, et ils reviendront pour faire les vendanges. Les femmes aussi sont plus courageuses, elles croient ce que disent les hommes. (Récit de l’instituteur)
Le 1 er août, un avis téléphonique et un télégramme du ministre de la Guerre me prescrivaient de rentrer à Paris d'extrême Urgence. Je prenais le train le soir même. L'ordre de mobilisation venait d'arriver au chef de gare qui l'affichait sur les murs de la station. Déjà, d'ailleurs, dans cette petite localité, les gendarmes avaient commencé à distribuer les ordres d'appel. (3)