Le 5 septembre: Averti des transferts de troupes de son adversaire, Von Moltke prend conscience du caractère aventureux du raid de Von Kluck. Envoyé par la direction suprême, le lieutenant-colonel Hentsch arrive au QG de la 1ère armée le 5 septembre 1914 au soir et informe Von Kluck de la situation. Celui-ci comprend le danger de sa position trop avancée, mais ne s'imagine pas l'imminence de la contre-offensive. Il décide donc de reculer en échelons progressifs de 20km jusqu'au nord de la Marne afin de se réaligner avec la 2° armée Von Bülow, et rédige ses ordres pour le lendemain.
Dans l'après-midi du 5 septembre, un accrochage a lieu entre une colonne d'infanterie du 55° régiment de réserve de la 6° armée et des unités du corps allemand de flanc-garde devant le village de Monthyon, sur la route de Meaux à Senlis. C'est au cours de cet accrochage que le lieutenant Péguy trouvera la mort. Les premiers coups de canons de la bataille de la Marne viennent d'être tirés. (La Bataille de la Marne 6 au 13 septembre 1914)
Samedi 5 septembre 1914
A 3 heures du matin l’artillerie et l’infanterie vont reprendre encore une fois leurs positions de combat, une voiture est réquisitionnée avec deux brancards de la Croix Rouge de Saint-Leu. Une ambulance provisoire est établie dans la cabane de chasse de Mr Petit maire et de Désiré Langlois (route de Béthemont).
Vers 5 heures du matin, l’arrivée du corps de gendarmerie de l’Isle Adam et les paroles imprudentes d’un officier d’artillerie sèment la panique dans la pays qui se vide d’habitants.
A 8 heures du matin, Mr le Maire, tout surpris, s’aperçoit que malgré ses conseils rassurants de la veille, un quart des habitants reste seul dans la commune.
La journée se passe pourtant dans le plus grand calme et dès le soir on apprend que les troupes allemandes de Creil se portent dans la direction de l’Est.
Dans l’après midi vers le soir, l’artillerie va prendre son cantonnement à Saint-Leu, parc de la Chaumette , et le général de brigade de Pélacot vient se loger chez Mr le Maire avec son état-major. (10)
A la tête de la 5° armée, Franchet d'Esperay annonce qu'il est prêt à attaquer le 6 septembre 1914, comme Foch et Gallieni. Par ailleurs si la 6° armée Maunoury attaque au nord de la Marne, les anglais seront de la partie. Joffre prend donc la décision d'attaquer à l'aube du 6 septembre 1914. (La Bataille de la Marne 6 au 13 septembre 1914)
On a dit que la lutte allumée le 6 septembre 1914 au matin, de Paris à Verdun, ne fut pas une bataille unique, mais une série de batailles que chacune des armées mena pour son compte particulier, avec ses propres moyens ou grâce à l'appui des armées voisines, suivant les conceptions de chaque chef, l'inspiration et la valeur de chaque combattant.
Rien n'est plus inexact. La bataille de la Marne est un tout admirablement ordonné dont l'immensité seule empêche d'embrasser l'ensemble d'un seul coup d’œil. (La Bataille de la Marne 6 au 13 septembre 1914)
Le 6 septembre: Vers sept heures et demie, Joffre signait l'ordre du jour de la Marne:
"Au moment où s'engage une bataille dont dépend le sort du pays, il importe de rappeler à tous que le moment n'est plus de regarder en arrière. Tous les efforts doivent être employés à attaquer et à refouler l'ennemi. Une troupe qui ne peut avancer devra, coûte que coûte, garder le terrain conquis et se faire tuer sur place plutôt que de reculer. Dans les circonstances actuelles aucune défaillance ne peut être tolérée"
Le 6 septembre 1914, au matin, Maunoury s'avance vers l'Ourcq. Il est rapidement arrêté par Von Kluck qui, averti de l'accrochage de la veille, vient de dérouter un de ses corps en renfort. En fin de journée Von Kluck en déroute deux autres pour déborder la 6° armée. Le rééchelonnement de la 1ère armée se poursuit, et les reconnaissances aériennes montrent d'ailleurs le mouvement de fortes colonnes remontant vers le nord. Ainsi Von Kluck positionne 3 corps d'armées face à Maunoury, tandis que deux autres résistent au sud à Franchet d'Esperay. En adoptant un dispositif en équerre, Von Kluck crée une brèche à l'angle, qu'il ne masque que par un corps de cavalerie.
La BEF attaque à l'angle, mais c'est sans conviction qu'ils repoussent la cavalerie allemande jusqu'à Coulommiers. Plus à droite, la 5° armée n'avance que de quelques kilomètres, alors qu'avec l'équivalent de 5 corps, il aurait pu envelopper les 2 corps de l'aile gauche de Von Kluck. Deux occasions ratées par French et Franchet d'Esperay.
En revanche face à la 2° armée Von Bülow, la 9° armée Foch avance et s'assure des hauteurs au nord des marais de Saint-Gond. (La Bataille de la Marne 6 au 13 septembre 1914)
Le dimanche 6 septembre 1914, nous entendons très distinctement le canon. Les troupes du camp retranché de Paris, prennent contact avec l’ennemi sur l’Ourcq et le Grand Morin je pars à bicyclette avec l’intention d’aller à Pontoise. Avant Pierrelaye je croise des Dragons qui m’avertissent que je ne passerai pas. Je remarque que les travaux de défense sont poussés activement ; des tranchées partout. A la Patte d’Oie, des arbres dans le milieu de la route enchevêtrés dans de longs chariots. Je vois un régiment de ligne qui marche sur Paris. Le canon s’entend de plus en plus. (8)
Dimanche 6 septembre 1914
Le matin a lieu l’inspection de tous les cantonnements de la 166ème brigade par le général et Mr le Maire est invité à l’accompagner en auto. Les communes suivantes sont traversées : Pierrelaye, Chennevière, Conflans, Maurecourt, Vincourt, Neuville, Ham, Cergy, Pontoise, Aumône, Epluches.
A Pierrelaye le général de Pélacot rencontre l’Etat Major du 7ème corps et le général Ebener revenant de la bataille de Bapaume et se dirigeant sur Bondy.
A Chennevière rencontre du 1er régiment de chasseurs à cheval de réserve, affecté à la 166ème brigade.
Tous les ponts traversés sont gardés militairement et sont minés par le génie en prévision de l’offensive possible des troupes allemandes.
La visite est continuée l’après-midi dans les communes de Béthemont, Chauvry (les batteries d’artillerie lourde dans la forêt), Villiers Adam, Méry, Mériel, Frépillon.
Toutes les communes sont occupées militairement par les troupes de la 166ème brigade (un régiment mixte a été formé à Paris avec une partie du 22ème d’infanterie territoriale et une partie du 29ème d’infanterie territoriale appartenant à la 165ème brigade). Les ponts sautés de Mériel et d’Auvers sont gardés par de l’infanterie et du génie.
Dans la journée une évacuation de malade installés dans la classe enfantine a lieu par le service de l’approvisionnement sur Montmorency
En revenant à Beauchamp, une patrouille de dragons me demande mes papiers. Je fais voir un sauf-conduit permanent de la mairie de Taverny. Le maréchal des logis me dit : « vous avez de la chance d’avoir un sauf conduit permanent, il ne vaut rien. Il vous faut un laissez-passer, visé sous les 48 heures. Marchez devant nous ». j’ai oublié de dire qu’ils avaient devant eux ? pas mal d’hommes et de jeunes gens. « Et ceci est-ce en règle ? » lui dis-je en montrant ma carte de garde civique. « Continuez votre route » me répondit-il. (8)
Il existe malheureusement un vide à Mailly entre la 9° armée Foch et la 4° armée de Langle de Carry, vide dans lequel la 3° armée Von Hausen pourrait s'engouffrer dangereusement. Sollicité par la 4° armée duc de Wurtemberg et la 3° armée Von Bülow, Von Hausen se répartit entre ses ailiers et manque l'occasion. Le 21° corps de la 2° armée arrive alors à point nommé pour boucher le trou.
À droite, la 3° armée Sarrail attaque le flanc gauche de l'ennemi en s'appuyant sur Verdun, mais se fait ramener par la 5° armée du Konprinz impérial. Il existe là aussi un vide entre la 4° armée et la 3° armée à Révigny, vide que vient combler l'arrivée opportune du 15° corps de la 2° armée.
Le soir du 6 septembre, Joffre n'a pas emporté la décision, mais l'ennemi est surpris. Comment une armée qui retraite depuis dix jours a t-elle pu reprendre l'offensive? (La Bataille de la Marne 6 au 13 septembre 1914)
7 septembre 1914 le génie fait venir 800 ouvriers terrassiers. (6)
Le 7 septembre: Maunoury cherche enfin à déborder Von Kluck par le nord pendant que le reste de son armée pousse en direction de l'Ourcq. Les deux actions échouent. Von Kluck rappelle alors ses deux autres corps pour en finir avec Maunoury, quitte à agrandir la brèche existante et dégarnir l'aile gauche de Von Bülow. Risque considérable, mais la 6° armée ne peut tenir face à une 1ère armée allemande au complet. La brèche n'est masquée que par 2 corps de cavalerie et une division de flanc-garde. Or l'un de ces corps de cavalerie se replie, ouvrant carrément la voie aux britanniques.
La BEF avance, mais sans connaitre l'existence de ce vide. Ils auraient pu prendre à revers le 2° corps allemand, autre occasion manquée. La 5° armée, épuisée, avance prudemment, franchit le grand Morin et s'arrête peu après.
Les 9°, 4° et 3° armées françaises résistent aux coups de butoirs allemands.
Il n'y eut rien de décisif ce jour là. Le seul événement majeur est la chute du camp retranché de Maubeuge au terme de dix jours de siège, alors que la place aurait pu tenir plus longtemps si elle avait été mieux commandée.
Le 8 septembre 1914, 1500 fusiliers marins logent à Taverny. (6)
Dans la plaine, entre Saint-Leu et le Plessis-Bouchard, étaient semblablement installés deux groupe de canons provenant du fort de Cormeilles-en-Parisis, auxquels ils étaient également reliés par voie Decauville. (2)
Il arrive à Taverny, pendant cette période, une armée de terrassiers recrutés pour la plupart à Paris. Pour activer les travaux de défense, le nouveau commandant du camp retranché de Paris, le général Gallieni qui succède au général Michel fait appel à la main d’œuvre civile. (8)
Un train spécial nous débarque plusieurs centaines d’hommes armés de pelles et de pioches et qui font pas mal de potin. Tous les commerçants ferment leur établissement. J’entends du bruit sur la place de la mairie. Je m’y rends et je vois le maire qui fait un discours à ces ouvriers de fortune. Il faut croire que ses paroles leur plaisent, car ils applaudissent fortement. Ces terrassiers sont divisés en plusieurs groupes et cantonnés dans le pays. Le lendemain ils seront sous les ordres de l’autorité militaire. Parmi les travaux de défense qui sont opérés à Taverny, je note :
Tranchées dans la plaine, dans le bois des Aulnaies et le bois de Boissy.
Meurtrières dans les murs des châteaux de Beauchamp et de Boissy.
Des travaux de défenses avancées ont lieu autour des forts qui nous environnent. (8)
Le génie qui a fait venir la veille 300 ouvriers terrassiers, en reçoit 500 de plus qu’il faut loger tant bien que mal. Les ouvriers qui n’ont pas été payés réclament bruyamment leur dû sous les fenêtres de la mairie. Le maire entame de difficiles pourparlers avec les délégués, car il n’a ni le pouvoir, ni les moyens de négocier. (6)
Enfin, les hommes pourvus chacun d’un acompte de 2.50 francs quittent la place de la mairie en manifestant leur satisfaction. (6)
Au total, 2300 hommes – soldats et ouvriers – sont cantonnés dans le village. Diriger le pays n’est pas une mince affaire. A plusieurs reprises, la salle du conseil est le témoin d’accrochages sérieux entre le maire et les officiers du Génie. (6)
Le plus curieux est qu’il fut révélé, après la guerre, que les rails Decauville, n’auraient à transporter que quelques obus pour chaque pièce, et que, réduits alors à défendre la position le mousqueton à la main, les servants n’auraient disposé que de rares chargeurs de munition (2)
Le 8 septembre: Maunoury tente sa chance sur son aile droite, au sud, mais il s'enlise dans des combats frontaux alors qu'il doit passer à la défensive, étant débordé sur sa gauche. Gallieni se rend compte en début d'après-midi qu'il a en face de lui au moins trois corps d'armées dotés d'artillerie lourde.
En revanche la brèche allemande s'agrandit. La cavalerie britannique s'engage timidement sans pousser tandis que la 5° armée franchit enfin le petit Morin et repousse la division allemande de flanc-garde. Particulièrement conscients de ce vide, Von Moltke envoie à nouveau Hentsch en mission. Von Bülow et lui se concertent et se convainquent de la nécessité d'un recul.
Au centre cependant les assauts allemands mettent à mal les armées françaises. La 9° armée Foch vacille sous les assauts, le 11° corps sur sa droite recule au delà de Fère-Champenoise tandis que la division marocaine au centre est refoulée sur Mondement. À droite, Langle de Carry tient bon, mais Sarrail se voit sur le point de perdre à nouveau contact avec lui. Joffre autorise donc Sarrail à se replier vers le sud et à abandonner Verdun (camps retranché qui peut résister).
Joffre ne désespère cependant pas de réussir sur l'aile droite de Maunoury ce qu'il n'a pu réussir sur sa gauche, et prescrit pour le lendemain d'accentuer l'effort de la BEF et de la 5° armée, même s'il n'a pas encore conscience de la brèche laissée par les allemands.
Ainsi, la contre offensive de Joffre ne tient elle pas encore ses promesses, le 8 au soir, mais commence à faire perdre les initiatives à l'ennemi.